La conception de produit expliquée
La théorie de la conception de produit a pour objet d'expliciter et de fournir des méthodes et outils au développement, depuis les phases d'invention jusqu'à celles de production et de maintenance, d'objets ou de services. Elle est intimement liée à la fois aux problématiques organisationnelles et stratégiques de la firme.
Historique : de la conception routinière
Historiquement, l'apparition de ce champ d'étude est concourante à celui des organisations complexes dans lesquelles la conception à plusieurs devient difficile, c'est-à-dire à la fin du XIXe siècle, notamment lors de la conception de machines. Les premiers thèmes d'intérêts tournaient donc autour de la structuration de l'organisation pour la conception. C'est à cette époque qu'apparaissent la notion de bureau d'étude et de bureau des méthodes. Les premiers sont chargés de penser puis de dessiner les produits et pièces à produire, les seconds s'intéressent aux gammes de fabrication, d'assemblage et de contrôle.
De façon concourante à l'apparition de ces deux grands acteurs, apparaît progressivement une division de la conception en 4 temps principaux. Elle sera théorisée pour la première fois par 2 professeurs allemands Gerhard Pahl et Wolfgang Beitz beaucoup plus tard en 1977 dans leur ouvrage Konstruktionslehre et connue sous le nom de Systematic Design (Conception Systématique). Elle décrit l'acte de conception - dans la définition de l'objet technique - par les termes successifs suivants :
•phase de définition fonctionnelle : permettant de préciser les fonctionnalités que doit remplir l'objet ainsi que la modélisation fonctionnelle du besoin,
•phase de définition conceptuelle : permettant de préciser quels principes physiques vont être utilisés pour remplir les exigences fonctionnelles,
•phase de définition physico-morphologique : permettant de préciser quels éléments physiques et organiques sont requis pour réaliser les principes physiques retenus,
•phase de définition détaillée : permettant de décrire au niveau le plus bas les interactions entre les pièces et leur mode de production.
Cette modélisation du processus de conception de produit est linéaire et chacune des phases permet la rédaction d'un cahier des charges spécifiques pour la phase suivante. On constate de plus qu'il est aisé (pour des raisons historiques) d'associer une grande fonction de l'entreprise à chacune de ces phases : marketing, bureau d'étude, bureau des méthodes. Ce mode d'organisation se répand progressivement tout au long du XXe siècle pour devenir un modèle quasi-standard.
Par rapport à cette formalisation historique, un des grands apports complémentaires a été proposé par Nam P. Suh, professeur au MIT en 1990 dans The Principles of Design, avec la théorie de l'Axiomatic Design. Celle-ci a pour but de qualifier la qualité d'une conception, sans pour autant remettre en question la forme décrite précédemment. Il introduit pour ce faire une matrice croisant les paramètres fonctionnels (Functional Requirements) et les paramètres de conception (Design Parameters). Celle-ci lui permet d'énoncer deux axiomes, celui d'indépendance et celui d'information :
•l'axiome d'indépendance se caractérise - dans la matrice évoquée précédemment - par une matrice diagonale (ou au pire triangulaire),
•l'axiome d'information postule qu'entre deux matrices diagonales, celle reflétant la meilleure conception est celle ayant l'information la plus faible.
Au-delà de ce formalisme, son principal apport a été de mettre en lumière, de façon indépendante, les deux catégories de paramètres, fonctionnels et techniques, pour les croiser et évaluer ainsi la robustesse d'une méthode de conception.
Modèle actuel : vers la conception innovante
Depuis le début des année 90, la notion de gestion de projet en tant que mode de conception et d'organisation joue un rôle primordial dans l'évolution de ce modèle historique de la conception. Il remet en question la linéarité de la conception de produit et permet de ce fait de s'attaquer à la problématique de la conception innovante de façon beaucoup plus pertinente.
En effet, les modèles précédents sont des modèles de rationalisation de la firme pour la reconception, dite aussi « conception routinière ». Ils posent vis-à-vis de l'innovation des problèmes comme par exemple la capacité à spécifier les demandes fonctionnelles de l'objet à concevoir en l'absence d'objet préexistant ou en l'absence de client capable de formuler une demande (ex: magnétoscope à enregistrer les rêves).
Modèle numérique : vers la conception simultanée répartie
Avec l'arrivée de la CAO, des SGDT, des SGBC et des outils d'ingénierie numérique, la conception d'un même objet tend à se répartir aux 4 coins du globe afin de réduire les cycles d'ingénierie et de mieux intégrer les partenaires dans le processus.