Les marques sont omniprésentes dans notre société. Quelques individus et mouvements s’inquiètent de l’influence de ce phénomène et militent contre celui-ci.
La critique s'exerce à trois niveaux distincts
* le contenu et le contenant
* les abus
* l'existence
Critique du contenu
La publicité a peu de temps pour agir, elle utilise donc des moyens critiquables pour améliorer son efficacité.
Nécessité du cliché
Ayant peu de temps pour faire passer une idée, elle s'appuiera souvent sur une idée reçue. La publicité utilise donc souvent des stéréotypes et clichés traditionnels : la femme (blonde) est à la cuisine, l'homme (blanc) au travail, et les enfants (joyeux) dans une maison confortable, avec juste une pincée d'exotisme sympathique. Il arrive parfois cependant qu'elle utilise des contre-rôles afin de susciter l'attention du consommateur. D'autre part, si elle cherche parfois à provoquer, voire à choquer (cas de la Grande Bretagne avec la prévention routière), elle ne cesse de réactualiser ses supports qui sont passés de la femme plantureuse à l'enfant de nos jours. Au-delà des clichés, la publicité cherche à séduire à travers une image « politiquement correcte » telle que l'enfant et plus généralement le bébé que l'on retrouve aussi bien pour l'automobile (Opel) que pour la restauration rapide (Mc Donald).
Appel aux pulsions de base
Cherchant l'efficacité, elle utilisera chaque fois que possible des sentiments ou instincts forts, en court-circuitant la réflexion. La publicité verra donc fleurir des pin-up offertes, ainsi que des mâles avantageux. Georges Bernanos va encore plus loin dans cette vision en affirmant que les moteurs de choix de la publicité sont tout simplement les sept péchés capitaux, pour la raison qu'il est beaucoup plus facile de s'appuyer sur les vices de l'homme que sur ses besoins[1]. Encore la publicité dont parle l'auteur à son époque n'existait-elle pas sous la forme actuelle. Elle consistait alors surtout en petites annonces et « réclame ».
Nécessité de la nouveauté pour la nouveauté
Il n'est pas facile de se faire remarquer au milieu de sept mille messages publicitaires. La publicité va donc essayer de provoquer pour mieux se graver dans les esprits.
Le commanditaire souhaite souvent affirmer une image de nouveauté et d'audace (technique ou artistique). Une publicité osée détournant des symboles religieux ou assimilés ou bien n'hésitant pas à faire usage de violence peut être une publicité réussie en termes d'influence sur le public. Il est d'ailleurs établi que des décharges d'adrénaline rendent plus efficace la mémorisation.
On comprend donc que, entre stéréotypes, sexe et violence, la publicité soit critiquée et même, parfois, condamnée en justice.
Déformation de l'esprit critique
La publicité, par définition, insiste sur les qualités d'un produit sans en souligner les défauts (ce n'est en effet pas son rôle). Le public sait généralement que la publicité est une forme de mensonge, ne serait-ce que par omission,
* soit qu'il estime pouvoir faire le tri,
* soit qu'il s'en moque dans la mesure où elle ne concerne pas des produits qui l'intéresse. Une étude de la Harvard Business Review a confirmé que l'impact de la publicité était grand pour les produits envers lesquels le consommateur est indifférent (lessives, par exemple) et nul pour ceux qui lui tiennent à cœur (religion, etc.)
* soit parce qu'il considère la publicité comme une forme de spectacle (cas de Bernard Pivot).
Milton Friedman y répond en arguant que l'impact réel de la publicité est faible, comme en témoignent les échecs récurrents de produits lancés pourtant avec des efforts publicitaires considérables. Il prend en exemple le cas de la Ford Edsel. Pour Friedman, la publicité ne déforme pas l'esprit critique mais ce sont les goûts des consommateurs qui sont jugés mauvais par certains critiques. Il écrit ainsi en 1980 dans La liberté du choix : « Le fond du problème posé par la plupart des critiques de la publicité n'est pas le fait que la publicité manipule les goûts mais le fait que le grand public a des goûts détestables - c'est à dire différents des goûts des critiques. »[2]. Il y reprend la thèse qu'il développait dans Capitalisme et liberté en 1962 : « Une objection majeure contre une économie libre est précisément qu'elle apporte aux gens ce qu'ils veulent au lieu de ce qu'un certain groupe pense qu'ils devraient vouloir »[3].
Manipulation de l'inconscient
Edward Bernays (1891-1955), publicitaire, admet dans son livre Propagande (1928) : ceux qui manipulent ce mécanisme […] constituent […] le véritable pouvoir exécutif du pays. Nous sommes régentés, notre mentalité moulée, nos goûts formés, nos idées suggérées, en grande partie par des gens dont nous n'avons jamais entendu parler. […] Ce sont eux qui tirent les ficelles (voir article en anglais).
Bernays ne se réfère pas à la seule propagande politique, mais bien à la publicité, dont les moyens sont les mêmes : sa campagne pour American Tobacco Company dans les années 1920 pour inciter les femmes à fumer consista par exemple à associer visuellement de façon constante la cigarette et les droits ou la liberté de la femme. Cette campagne fit tant augmenter les ventes que la société Philip Morris reprit plus tard cette idée pour les hommes et lança le fameux cow-boy Marlboro.
Les abus
Comme toute activité, la publicité est soumise à une réglementation et à une déontologie.
Aucune réglementation ne protège encore (2008) le consommateur contre le matraquage d'un même message plusieurs dizaines de fois dans la semaine. Or la répétition à ce rythme de messages inchangés au téléphone ou dans la rue ouvrirait le droit à une plainte pour harcèlement, délit reconnu et sanctionné.
Des organes publics ou privés se chargent de faire respecter les règles (la situation dépendant des pays). Il existe ainsi des organes de labélisation (publicité pour tout public, par exemple), des organes de contrôle (dans les pays libres, ce contrôle s'exerce a posteriori pour ne pas prendre la forme d'une censure), et les tribunaux peuvent être saisis. Ce contrôle s'exerce sur le fond (pas trop de sexe ou de violence, par exemple) ou sur la forme (distinction claire entre ce qui est affiché comme étant de la publicité et le contenu à vocation informative, ludique, ou autre). Il peut également exister des réglementations de certains médias, qui n'existeraient pas sans publicité (les panneaux publicitaires, notamment).
Il arrive aussi que la réglementation ne soit pas appliquée et que les autorités dont c'est le rôle ne fassent pas preuve d'un grand zèle pour y remédier. Aussi des associations comme Paysages de France cherchent à limiter l’extension de la publicité au-delà de ce qui est permis par la loi, soit par le lobbying auprès des autorités, soit en passant directement en justice.
Critique de la publicité en tant que telle
Des mouvements (groupés sous le terme d’Antipub, dont les fameux Adbusters) considèrent la publicité comme néfaste en tant que telle, en sus des critiques de contenu qui sont inévitables.
* La publicité distrairait au sens pascalien, c'est-à-dire qu’elle ferait perdre de vue des choses plus importantes.
* Martelant des messages d'importance mineure, elle conduit inconsciemment à percevoir comme mineurs les sujets qui ne sont pas martelés[4] (Kurt Vonnegut)
* Elle participerait d'un système économique vicieux, érigeant en norme sociale la consommation de biens inutiles, voire dangereux, et des comportements compulsifs et sédentaires nuisibles en général à sa santé physique et mentale (qui devraient être ensuite pris en charge par de nouveaux produits ou par des services sociaux).
* La publicité chercherait à manipuler l’esprit de celui qui la regarde ou l’écoute. Le dessinateur de presse Willem emploie l’expression « coloniser notre cerveau ». Cet argument est tout particulièrement dirigé contre les campagnes de positionnement des marques, dont le but est de graver le nom d'une marque dans l'esprit du consommateur, plutôt que de décrire les qualités du produit. De fait, il est établi qu'une ménagère de moins de 50 ans peut avoir en tête trois marques de lessive seulement. Il faut pour un lessivier faire partie des trois ou disparaître.
* La publicité contribuerait à réduire l'importance des lecteurs pour les médias, dont l'essentiel voire la totalité des revenus (télé ou journaux gratuits) proviennent de la publicité. Le propos de Patrick Le Lay, P.D.G. de la chaîne privée française TF1, fera date : « Mon travail est de vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola » (les Dirigeants face au changement, Éditions du huitième jour, 2004).
* La publicité donnerait l'avantage au commanditaire sur le consommateur : le consommateur recevrait passivement une information biaisée (la publicité), qui peut flatter ses intérêts et ses goûts, mais qui le fait en fonction des intérêts du commanditaire, alors que grâce à des sondages et études de marché (ou par son expérience), le vendeur détient une information claire et objective sur le comportement du consommateur, ses désirs, ses critères de choix, etc. Aucune publicité ne passera un message citoyen ou même pouvant être jugé contraignant, parce qu'elle perdrait en efficacité. Lorsque des enfants ouvrent une barre chocolatée, on ne les voit par exemple jamais en jeter le papier dans une poubelle. Cette attitude se transmet dans les comportements de la vie, souvent à l'insu des intéressés, puisque la publicité vend indirectement un mode de vie.
Afin de faire passer leur message antipub, ces mouvements utilisent des méthodes publicitaires classiques : usage de stéréotypes et slogans, affichage, mobilisation par internet (publicité « virale »), propos et actions provocantes visant à obtenir du temps média offert gratuitement par des journalistes à la recherche de sensationnel, etc. Il apparait donc que leur cible n'est pas la publicité au sens large (la propagande), dont ils usent sans complexe, mais seulement la publicité au sens strict (commerciale et libre), ce qui, a contrario, implique au moins une tolérance pour la propagande non commerciale ou contrôlée par une instance à leur convenance. Ces mouvements recrutent essentiellement à l'extrême gauche.
Il est à noter que ces mouvements sont suivis avec intérêt par les agences de publicité elles-mêmes, toujours promptes à récupérer ce qui permet de véhiculer une image de fronde et de liberté. On a vu ainsi apparaître des affiches pré-recouvertes de faux graffiti antipub afin de solliciter l'attention.
La critique selon laquelle la publicité provoque peu à peu des modifications irrationnelles de la vision du monde se voit opposer par eux la critique inverse : modifier la vision spectateur est également l'ambition normale de tout artiste. Mais comme il est bien souvent répété aux étudiants en école de publicité, qui parfois l'oublient, la publicité n'est pas un art et le publicitaire n'est pas un artiste.
Actions en France
Des actions dans un cadre légal sont menées par des groupes comme Résistance à l’Agression Publicitaire, avec le lobbying, ou Paysages de France avec des poursuites en justice, qui visent à modifier les comportements ou la législation. Pour limiter la production de papier publicitaire, le ministère de l’écologie a ainsi édité un autocollant « Pas de publicité S.V.P. » pour les boîtes aux lettres.
Des actions illégales, conduisant à des poursuites et des procès, ont aussi eu lieu. Il s’agit principalement de la destruction d’affiches et du détournement des messages publicitaires, dans le métro à Paris à la manière des membres de l'Internationale situationniste dans les années 1960). De telles actions ont également eu lieu en France à Marseille, Montpellier, Grenoble, Lyon, Clermont-Ferrand et Toulouse, mais aussi en Belgique.
Amateurs de publicités
L'omniprésence de la publicité dans la civilisation moderne a suscité l'intérêt d'un public de plus en plus nombreux. Cette attirance pour les "pubs cultes" est due à plusieurs causes :
* la nostalgie provoquée par les publicités anciennes, reflet d'une époque (les amateurs de réclames antérieures aux années 1960 sont connus depuis longtemps, mais le phénomène s'observe désormais pour des publicités plus récentes, celles des années 1980 en particulier) ;
* la participation d'artistes réputés (Emir Kusturica, David Lynch, Blanca Li...) à la réalisation de publicités ;
* l'attraction pour les célébrités du sport, du spectacle, etc... qui posent pour des publicités;
* l'humour et la provocation délibérés (ou non) utilisés dans certaines publicités (surtout à la télévision) ;
* l'érotisme de certaines publicités (Aubade, Pirelli...); souvent décrié (en tant que publisexisme), il garde cependant ses admirateurs (phénomène à rapprocher de celui de la pin-up) ;
* un intérêt sociologique et culturel, décrypter le fonctionnement des publicités étant apprécié de certains (notamment de leurs détracteurs) ;
* l'intérêt pour les idées véhiculées dans les campagnes d'agences gouvernementales, associations et ONG qui utilisent les techniques de la publicité, même si elles n'ont pas de but marchand ;
* le développement de l'informatique et d'Internet permet de stocker, et de mettre en ligne des publicités numérisées (qui peuvent être consultées et/ou téléchargées par tous sur des sites spécialisés).
Des émissions télévisées et des périodiques (comme "Culture Pub") ont aussi été consacrés à ce support d'information ; leur succès a été notable à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
Les amateurs de publicités se réunissent également à des manifestations collectives (parmi lesquelles "La Nuit des Publivores") au cours desquelles des publicités "cultes" ou insolites de tous pays et de toutes époques sont diffusées.